La naissance de la sécurité sociale

  • + +- En 1944, le Conseil National de la Résistance annonce dans son programme “Les Jours heureux”, le principe d’un plan complet de sécurité sociale visant à assurer tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec une gestion appartenant aux représentants des intéressés de l’Etat [...]”. La France va bâtir un système solidaire et redistributif, alliant protection universelle et gestion autonome par les partenaires sociaux, sous deux influences étrangères :
    • Le modèle allemand dit “bismarckien” repose sur l’assurance professionnelle obligatoire. Les droits sociaux sont la contrepartie de cotisations professionnelles assises sur les revenus du travail et gérées par des caisses privées.
    • Le modèle anglais dit “beveridgien”, est basé sur trois grands principes : l’ unité de gestion, l’universalité des bénéficiaires et l’uniformité des prestations. De cette protection universelle, découle un financement par l’impôt et une forte prédominance du secteur public.
    C’est à Pierre Laroque qu’est confiée la tâche d’élaborer cette réforme ambitieuse inspirée par les principes d’universalité, d’unité et surtout de solidarité nationale. La Sécurité Sociale est officiellement créée par les ordonnances du 4 et du 19 octobre 1945.
    • Pierre Laroque (1907 - 1997) + +-

      Pierre Laroque (1907 - 1997)

      Haut-fonctionnaire français, il est surnommé le “père de la sécurité sociale”. Nommé directeur général de la sécurité sociale en 1944, il participe à la rédaction des ordonnances qui fonderont et organiseront la sécurité sociale en 1945, sur la base du Programme du Conseil national de la Résistance.
      zoom
    • Ambroise Croizat (1901 - 1951) + +-

      Ambroise Croizat (1901 - 1951)

      Homme politique français. Membre du parti communiste dès 1920, il est élu député de la Seine en 1936. Ministre du travail de 1945 à 1947, il met en oeuvre les grandes réformes sociales de l’après-guerre et notamment la sécurité sociale, les allocations familiales et le système des retraites.
      zoom
    • William Beveridge (1879 - 1963) + +-

      William Beveridge (1879 - 1963)

      Homme politique et économique britannique, Lord William Henry Beveridge est l’auteur du rapport, publié en 1942, qui a inspiré le système de sécurité social britannique de l’après-guerre. L’ambition de William Beveridge est de lutter contre cinq maux : la pauvreté, l’insalubrité, la maladie, l’ignorance et le chômage.
      zoom
    • Otto Von Bismarck (1815 - 1898) + +-

      Otto Von Bismarck (1815 - 1898)

      À la fin du 19e siècle, l’Allemagne est la première nation à se doter d’un système d’assurances sociales obligatoires. C’est ainsi la première fois qu’un Etat s’empare de la question de l’assurance sociale, sous l’impulsion du chancelier Otto Von Bismarck (1815 - 1898) qui fait adopter une loi d’assurance contre la maladie (1883), une loi d’assurance contre les accidents du travail (1884) et une loi d’assurance vieillesse (1889).
      zoom
    Suivant Précédent
  • + +-

    Inauguration assurances sociales

    Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, qu’est-ce donc que la sécurité sociale ? Je crois que l’on peut la définir ainsi : la garantie donnée à chacun qu’il disposera en toutes circonstances d’un revenu suffisant pour assurer, à lui-même et à sa famille, une existence décente ou à tout le moins, un minimum vital. La sécurité sociale répond ainsi à la préoccupation fondamentale de débarrasser les travailleurs de la hantise du lendemain. De cette hantise du lendemain qui créé chez eux un constant complexe d’infériorité, qui arrête leurs possibilités d’expansion et qui crée la distinction injustifiable des classes entre les possédants qui sont sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les non possédants constamment sous la menace de la misère. La sécurité sociale est avant tout la sécurité des travailleurs, la sécurité des familles qui tirent leurs revenus du travail, d’un ou de plusieurs de leurs membres. Sous l’angle de la sécurité sociale, le salaire doit être déterminé en fonction des besoins. Il doit assurer à chacun, à chaque travailleur, les moyens de faire vivre dans des conditions décentes toute sa famille. Il faut prendre le problème de la sécurité sociale comme un tout, comme un ensemble et s’efforcer de lui apporter des solutions coordonnées. La sécurité sociale, pour être totale, doit s’appliquer à toutes les catégories de la population. C’est que la sécurité sociale, pour être efficace, doit reposer sur une solidarité nationale. Tout le monde doit participer à ces charges dans la mesure de ses moyens. C’est une révolution qu’il faut faire et c’est une révolution que nous ferons.

    Extrait du discours de Pierre Laroque prononcé le 23 mars 1945 à l’École nationale d’organisation économique et sociale à l’occasion de l’inauguration de la section assurances sociales.
  • Michel Laroque

    Inspecteur général honoraire des affaires sociales - Fils de Pierre Laroque

    + +-

    Le parcours de Pierre Laroque

    Mon père a été directeur de la Sécurité sociale. Il a commencé comme on l'avait dit comme directeur des assurances sociales. En 1945, parce que c’est la mise en place, il est devenu directeur général de la Sécurité sociale et il y est resté jusqu'en octobre 1951. C'est un système qui est assez passionnant. Tous ceux qui se sont occupés de gérer un peu la Sécurité sociale, à vrai dire, se sont passionnés pour ce sujet et sont restés passionnés. C'est un système à la fois global et très conceptuel et aussi très pratique et qui touche profondément tous nos concitoyens, puisque ça concerne leur vie quotidienne.

    Les ambitions de Pierre Laroque

    Pierre Laroque était très attaché à l'idée d'un financement autonome de la Sécurité sociale. Il ne voulait pas que le financement de la Sécurité sociale puisse être confondu avec le budget de l'État. Et donc, il fallait qu'elle ait des cotisations, des contributions qui lui soient propres. Pour lui, la sécurité sociale, à vrai dire, c'était à prendre au sens littéral, il n’y avait pas de grand “S”, ce n'était pas une institution au départ, c'était assurer aux Français une sécurité sur le plan social et les protéger des incertitudes du lendemain. Ce qu'il souhaitait faire, c'était un plan global de sécurité sociale justement, protégeant contre toutes les incertitudes du lendemain, donc c'est lié à la santé, c'est lié à la vieillesse, c'est lié aux charges familiales mais aussi tout ce qui est lié à l'emploi. D'ailleurs, le premier souci dont il parlait, c'était l'emploi. D'abord, avant guerre, il y avait un foisonnement de caisses diverses. Tout ça coûtait cher en gestion et faisait qu'on n’avait aucune vue globale. À la fois, il voulait justement cette vue globale, d'où à la fois la généralisation et la caisse unique et il souhaitait qu'on ne crée pas une bureaucratie supplémentaire ; il souhaitait que ce soit vraiment géré par les bénéficiaires et qu'ils en fassent leur chose. Dans un premier temps, ça a relativement réussi, même s'il n'y avait pas de caisse unique. La CGT à l'époque était unifiée et s'est investie fortement dans la mise en place du nouveau système, qui était tout de même un travail considérable puisqu'il fallait fusionner des centaines de caisses et mettre en place une nouvelle structure pour gérer toutes ces prestations, recouvrer les cotisations. Il y a eu un travail considérable qui a pu être mené dans des délais records et qui a pu être réussi, dans cet esprit de libération, dans ce défi que représentait la mise en place de ce plan de Sécurité sociale. Ce que souhaitait mon père, peut-être était-ce aussi en partie utopique, c'était que les bénéficiaires soient vraiment sensibilisés et se sentent participants de la Sécurité sociale et pas simplement usagers.
    Chargement de la vidéo...
Timeline